Rose ne flashe jamais de QR code. Elle n’en a pas besoin : la plupart du temps, elle reste chez elle, avec sa vieille mère où, comme elle le dit, elle ne veut que « regarder la télé, dormir et manger. »
Rose aime quand même d’autres choses. Elle est fan de Johnny. Elle a été à un concert de lui, elle a beaucoup pleuré à sa mort. Elle aime se mettre du vernis, faire la cuisine et servir des cafés ou des tisanes à tout le monde. Elle aime danser et chanter aussi. Et puis elle aime râler, bouder, elle aime dire qu’elle va plonger dans l’eau pour finalement rester au bord et gueuler que c’est trop froid pour elle. On aura beau tout faire pour la convaincre, elle continuera de gueuler et de râler.
Rose a de mauvaises dents. Elle est en surpoids, elle louche, elle ne voit quasiment rien. Techniquement, économiquement, elle ne sert à rien. Elle est seulement un poids, au sens propre comme au sens figuré. Un poids social, familial et économique. Faire pédaler un vélo avec elle, l’empêcher de se laisser tomber, autant que la faire arrêter de bouder et de n’en faire qu’à sa tête, une vraie gageure.
En arrivant sur la plage du Touquet, elle aborde les sauveteurs en leur demandant s’il y a des requins et en leur disant qu’ils sont beaux gosses. Elle fait des câlins très vite, suffit d’être un peu gentil avec elle. Elle est même collante, parfois ça en devient gênant.
Quand on est avec Rose, on perd toute fausse pudeur, on devient vrai, on devient simple, et on rigole tellement qu’on finit par se sentir léger et éternel.
Rose dit qu’elle ne croit pas en Dieu mais elle veut quand même qu’on prie ensemble. Et quand elle prie, elle pleure, elle rit, elle prie et parle avec Dieu, c’est sûr.
Merci Rose, je prie de tout mon cœur que le monde arrête de tuer dans l’œuf, dans le ventre de leur propre mère, des enfants comme toi, tu es une merveille, de rire, de simplicité, d’apprentissage de la difficulté aussi. C’est notre humanité que nous tuons tous les jours en tuant et en excluant des enfants comme toi.
Bien à toi,
Amélie.