Merci pour Tinder !

Ce titre n’a rien de volontairement racoleur ou d’ironique. 

Je remercie (et condamne en même temps) les créateurs et développeurs de l’appli Tinder et, par extension, de n’importe quelle autre appli de rencontre immédiate aujourd’hui en vogue. Je les remercie pour m’avoir permis de comprendre mieux les mécanismes du projet diabolique de destruction de la relation entre les personnes et notamment, dans mon cas de femme attirée par les hommes, de la destruction de l’amour et du respect entre homme et femme.

Oui, merci pour Tinder, Happn et autres joyeusetés, car il n’y a rien de plus facile à détecter et à dénoncer que le Diable qui se nomme et ne se cache plus. Il y a environ quinze jours, je me suis créé un profil sur l’une de ces applis, pour la blague, sans en attendre sérieusement quoi que ce soit. Me voici très rapidement en contact avec une dizaine d’hommes plus beaux les uns que les autres, m’approchant de façon plus ou moins délicate ou directe. Honnêtement – jamais, moi la catholique sainte nitouche, ne me serais imaginée dire une chose pareille un jour -, c’est extrêmement amusant et grisant. Me voici prise au jeu donc, me réjouissant de faire l’expérience de ce que la plupart des gens vivent aujourd’hui. 

L’un d’eux, Antoine (son prénom a été changé), m’approche mieux que les autres et me plaît particulièrement sans que je sache bien pourquoi. C’est ce qu’il appellera par la suite, lors de nos échanges, une « alchimie de connexion ». Nos échanges débutent naturellement, tout se fait si vite et si bien, c’est incroyable. Très vite, à la faveur de notre entente et de notre attirance mutuelle, nous voici nous parlant le langage du désir et de l’érotisme. Je me transforme en allumeuse de premier ordre et me vois réussir à le provoquer comme je ne me suis encore jamais vue faire jusque là. J’éprouve une joie et une assurance telle de me sentir si femme, si adulte et si désirée, je n’ai jamais vécu cela avant, je vois tant de choses positives dans ce qui m’arrive. Au bout de quelques jours, néanmoins, je sens bien que quelque chose cloche. Nous ne parlons plus que de ça. J’ai beau essayer de l’amener sur un autre terrain, et il a beau me dire qu’il veut tant d’autres choses que cela, nous y sommes constamment ramenés – autant de son fait que du mien qui prends je l’admets un malin plaisir à le provoquer. Là où je peux aisément dire que l’Usurpateur ne se cache plus, c’est que non content de m’avoir transformée en bête, il fait parler à Antoine son langage : Antoine utilise fréquemment les adjectifs « diabolique », « tentateur » et « démoniaque » dans nos échanges. 

Notre flirt érotique a duré toute la semaine Sainte – concomitance étonnante que je ne peux m’empêcher de noter – et j’ai finalement réussi à y mettre fin le soir du lundi de Pâques. Antoine ne m’a pas réécrit ou rappelée pour essayer de me convaincre que notre histoire dépassait le seul érotisme à partir du moment où je lui ai demandé de parler d’autre chose. Une brutalité incroyable de l’échange en somme. Je me sentis comme « knock-out », littéralement, lorsque notre histoire prit fin.

J’ai débriefé de cette histoire avec l’amie avec qui nous avions créé mon profil Tinder pour la blague. Elle me confirma que sur Tinder, c’était « sans pitié », et que ce genre d’histoire lui était déjà arrivée aussi. Des hommes approchent des femmes, des femmes allument des hommes, on se cherche, on prétend chercher autre chose que l’érotisme et la génitalité seule. Bien sûr, on peut avoir de bonnes surprises. Je connais une amie qui a rencontré son conjoint actuel sur Tinder, ils sont ensemble depuis des années. Néanmoins, l’écrasante majorité des gens que je connais qui passent leur temps sur ces applis vivent une déshérence sentimentale et amoureuse qui dure depuis des années.

J’ai pleuré comme une adolescente quand il ne m’a pas rappelée et quand je me suis rappelée à quel point j’aimais Dieu. Désespérément en manque d’amour, j’ai flirté avec le Diable en espérant que celui-ci se transformerait en plan divin. Moi qui jusqu’à maintenant n’avais jamais douté que Dieu voulait mon bonheur et notamment, sans ambage, l’amour et la sexualité conjugale couronnés et purifiés par le mariage.

Je remercie le Ciel de m’avoir permis de vivre cette expérience. Cela m’a permis de vivre en eaux troubles, dans les eaux où nagent la plupart des gens qui m’entourent, eux qui n’ont pas la chance de connaître Dieu ou de Le reconnaître, de connaître son vrai projet d’amour pour nous. Ils se laissent ainsi avoir aux pièges de la séduction et de la luxure. Elle m’a ôté toute forme d’orgueil. Hé oui, moi aussi, je peux me laisser piéger malgré ma Foi et mes grands principes. Je suis profondément pécheresse et humaine – je le savais déjà, mais il n’est jamais trop d’occasions pour me le rappeler et me faire gagner ainsi en humilité et en compréhension envers les autres.

Si vous le pouvez, priez pour moi et, surtout, priez pour Antoine, et toutes les âmes en déshérence sur les applis de rencontre.

Lettre à Antoine ou éloge de la radicalité dans l’amour.

Cher Antoine,

Ces dernières semaines, je t’ai vu me dire des choses merveilleuses sans vraiment les assumer. Et je me vois, dans la joie, découvrir encore à quel amour et à quelle divinité de l’amour j’aspire profondément. C’est autant grâce à toi que je me réjouis qu’à cause de toi que je pleure. Oui, j’ai de la joie, tout en étant malheureuse – je suis convaincue que, grâce à Dieu et à mes amis, grâce à la Foi et la joie qui m’habitent, cet état malheureux ne durera pas.

En l’espace de quelques semaines, j’ai compris à quel point j’étais libre et guérie de mes peurs. Libre et prête à l’amour. Plus nous avancions, plus je me découvrais encore plus libre, apaisée, aimant suffisamment Dieu et m’aimant suffisamment moi-même pour être sûrement prête à t’aimer pour de bon un jour.

Me voici radicale – bien sûr, je l’ai toujours été. Cette radicalité, j’apprends jour après jour à ne pas la laisser s’exprimer de façon violente. Chaque jour, je travaille – Dieu que c’est difficile pour moi – à bannir toute violence, toute colère, et toute impulsivité dans ma conduite.

Me battre contre la violence de certaines de mes réactions, oui, je prie pour y travailler toute ma vie. N’oublie jamais que ma violence est à l’aune de la radicalité et de l’entièreté de ce que je vis, de mes émotions et de ce que ma raison perçoit. Toujours, oui, je me battrai pour ne plus être dure, pour m’ôter toute intransigeance, pour pardonner à ceux qui m’entourent et me pardonner ma faiblesse et mes erreurs.

Grâce à toi et à notre petit bout d’histoire, je comprends que ma radicalité peut s’exprimer de la plus belle façon. Si je me bats contre la dureté et l’intransigeance, je laisserai toujours la place à cette radicalité car je sais qu’en fait, elle est la marque d’une magnifique aspiration à l’amour : l’amour de l’autre, l’amour de ses amis, l’amour des plus petits, l’amour des pauvres… l’amour qui révèle la divinité ancrée en chacun de nous et que l’union de l’homme et de la femme peut aussi nous permettre d’effleurer. Quelle chance j’ai de pouvoir pressentir cela malgré tous mes malheurs conjugaux et mes déboires sentimentaux. De ne pas être traumatisée et de continuer à espérer le meilleur.

Encore merci à toi donc ! Avec l’Amour et sa radicalité, tout projet, même à tendance diabolique, tel que je le dénonçais dans le succès des applis telles que Tinder dans un article précédent, peut devenir divin.

Bien à toi, en union de prière,

Amélie

Le désordre résultant de la grande privation.

« La réalité de la vie, ce n’est pas la sensation, c’est l’activité (…). Ceux qui vivent de sensations ne sont, matériellement et moralement, que des parasites (…). » (Simone Weil, Lettre à Simone Gibert, une de ses anciennes élèves, mars 1935).

Dans l’article qui précède, je parle de cette grande privation qui est celle de l’Amour, à savoir l’Amour divin.

De la privation de cet Amour résulte une confusion et un désordre ambiant dans l’ensemble de nos relations avec le monde.

Nos relations entre êtres humains, d’abord. L’Amour divin nous enseigne la différence entre le Dieu créateur et les Créatures qu’il a créées. Il nous enseigne aussi la différence entre l’Homme et la Femme, différence révélée par l’amour humain et le mariage, différence qui est source de vie, de stabilité, d’équilibre de dynamique de couple renouvelée et, plus prosaïquement, de perpétuation de l’espèce humaine. Annihiler l’Amour initial nous a conduits à une confusion et un désordre général dans l’état de nos relations. Nous avons établi qu’il n’existait ni Homme, ni Femme. Que nous sommes seulement des êtres angéliques sans sexe et sans incarnation révélée. Nous avons établi que l’amour était bien relatif, qu’il pouvait exister entre deux êtres quel que soit leur sexe, leur âge, leur condition. Qu’il pouvait même s’établir entre plusieurs êtres en même temps. Ainsi avons-nous commencé à confondre la Sensation et l’Amour, la Contingence, le Désir, le Va-et-Vient des sentiments et la Liberté réelle de choisir l’Amour dans la différence des sexes, des âges et des générations. En résulte un désastre dans nos vies conjugales, familiales et affectives, on ne compte plus les divorces actuels, les enfants traumatisés par la séparation de leur parents et l’on s’oriente, mondialement, vers des abominations telles que la fabrication et le trafic d’enfants pour répondre à l’impérieux Désir d’enfant pour n’importe qui, n’importe quand, n’importe où.

Paradoxalement, et c’est là que le désordre s’illustre d’ailleurs, en voulant faire du « Sentiment » et du « Désir » les principes conducteurs de toute vie humaine, en pensant que c’est le fait de « se sentir » amoureux et de vivre selon ses sentiments qui va nous faire aboutir à une société plus heureuse et apaisée, la brutalité des relations entre nous ne diminue guère, au contraire, elle aurait même peut-être tendance à s’accentuer. Violences conjugales, viols, enfants maltraités ou victimes d’incestes ou de pédophilies, enfants tués dans le ventre de leur mère, personnes abandonnées dans la rue ou à la porte de leur pays, guerres, génocides… Le monde des XX et XXIe siècle n’est pas du tout un monde moins violent que les époques qui l’ont précédé.

Nos relations avec le reste du monde et de la création, ensuite, font preuve de désordre. Parce que nous ne savons plus ce qu’est la source originelle de l’Amour, nous sommes entrés dans une relation totalement désordonnée avec le monde. D’un côté, nous le surexploitons et le massacrons : surexploitation animale, maltraitance dans les élevages industriels, épuisement des ressources, pollution des océans… De l’autre, nous adoptons pour nos familles et dans nos vies privées des animaux domestiques que nous élevons comme nos propres enfants, que nous faisons nos rois, pour qui nous dépensons des centaines voire des milliers d’euros chaque année. Ou encore, nous plongeons dans la radicalité du « véganisme », refusant de consommer toute protéine animale, en oubliant un fait pourtant simple, essentiel : dans la Nature et chez les Animaux que les vegans déifient, des animaux mangent d’autres animaux pour subvenir à leurs besoins. Dans tous les cas, c’est un désordre brutal de notre relation avec la Création, avec l’Animal et avec la Nature qui s’illustre. Parce que nous ne savons plus aimer le monde comme nous devrions l’aimer réellement, soit nous le détruisons et le surexploitons, soit au contraire nous le déifions. Dans les deux cas, ce n’est pas de l’Amour et ces désordres doivent être combattus.

Je prie pour que par l’Amour nous retrouvions de l’Ordre dans nos relations – de l’ordre, dans le bon sens du terme, c’est-à-dire de l’ordre qui conduit et qui entretient l’amour. Ne le nions pas : lorsque sa maison est en ordre, on s’y sent mieux, on y vit mieux et l’on s’y aime mieux. Je ne parle pas d’un ordre maniaque mais d’un ordre relatif, conduit par l’amour que l’on a pour son Créateur, pour soi-même et par là même pour ceux qui nous entourent.

La grande privation.

Nous, pauvres gens, nous sommes vus priver de choses essentielles pour notre bonheur et pour la qualité de notre vie sur Terre.

Nous nous sommes d’abord vus priver de la source de l’Amour premier, Celui qui transcende tout, qui pardonne tout, qui répare tout, qui peut tout. Concrètement, en France et dans beaucoup de pays occidentaux, nous nous sommes vus dégoûter de l’idée d’un Dieu aimant et de la religion qui pouvait témoigner de Sa présence parmi nous. Les premiers responsables de l’oubli de cet Amour sont peut-être les représentants de cette religion eux-mêmes. Qui aurait voulu en effet croire en un Dieu aimant parmi des bonnes soeurs revêches, sévères, méchantes et moqueuses ? Des prêtres pervertis aux richesses du monde et concupiscents ? Des fidèles assistant à la messe pour faire bonne figure et rencontrer du beau monde, se fichant bien du sort du reste du monde, de l’urgence d’annoncer l’Amour à ceux qui ne le connaissent pas ? Les abandonnés, les maltraités, les pauvres, les clochards, ceux qui ont faim d’humanité et d’amour et qui n’ont parfois pas le privilège d’avoir connu l’Amour dès leur enfance ?

Avec la privation de l’Amour, du vrai Amour, est venue la privation de tout le reste.

La privation de la perspective de l’éternité dans nos vies et de la vie éternelle qui, pourtant, a le mérite de nous aider à affronter si ce n’est avec bonheur, au moins avec un peu d’espérance, les vicissitudes de la vie. La privation de notre capacité à vivre en prenant des décisions et en nous y tenant par Amour, même lorsque cela devient difficile. Notre capacité à tenir nos promesses car, au fond, nous savons les avoir prises par Amour. Notre capacité à construire nos vies en dépassant les imprévus et les nécessités de la vie, notre capacité à inventer, à créer et à tenir des projets, qu’ils soient maritaux, familiaux, professionnels ou artistiques.

Avec la privation de l’Amour est aussi venue la grande confusion entre l’Amour et la Sensation, entre la Liberté et la Passivité. On nous a ordonné de vivre selon nos besoins et nos désirs du moment, en cela, l’hédonisme ambiant est l’un des plus méchants mensonges que notre époque ait créés, il travestit la Liberté en Sensation. Nous nous sommes créé de fausses idées de l’Amour, de la Liberté et du Choix ; nous avons oublié ce que c’est que de Choisir, de Décider et de Vouloir pour de bon. Choisir de prendre et tenir des engagements par Amour. C’est notre humanité qui est encore ici en question, notre humanité en tant que chose capable de dépasser les contingences de la vie, de construire des choses éternelles lorsqu’elle fait preuve de persévérance et de courage.

Car c’est en dépassant les difficultés que nous nous épanouissons. C’est en construisant des projets qui durent, qui dépassent les événements que nous ne maîtrisons pas, que nous trouvons notre stabilité et notre bonheur. C’est une dimension éternelle en nous, enfouie en nous par Dieu au départ selon ce que je crois, qu’il nous faut entretenir pour rester dignes, heureux et joyeux. Car nous sommes des créatures divines, des créatures appelées à l’Amour et à l’Eternité, Amour et Eternité que nous connaitrons parfaitement quand nous rejoindrons notre Père au ciel.

Quelle galérienne je fais, mon Dieu…

J’ai passé Noël en famille à me mettre en colère contre à peu près tout le monde.

Hier, j’ai attaqué, par deux mails collectifs, un le matin, un l’après-midi, tous mes collègues et mes patrons en les insultant, en les traitant de « zombies et d’individualistes de merde ».

Mon mari m’a quittée en juillet dernier et j’ai passé les mois qui ont suivi à tempêter non seulement contre lui mais aussi tout son entourage. Ceux qui étaient nos amis. Ma belle-famille. Encore aujourd’hui, à certaines occasions, je tempête contre eux. J’ai écrit avec véhémence pour eux ma Lettre ouverte pour ne jamais nous taire en voyant des vies se briser. Et avant que mon mari me quitte, je tempêtais régulièrement contre nos amis, que je n’estimais jamais assez justes, jamais assez délicats, jamais assez généreux, jamais assez attentifs aux autres, jamais assez bien, en somme.

J’ai adopté il y a quelques semaines un chiot Golden retriever, un amour de chien, et je crains parfois qu’elle absorbe ma colère contre le monde entier au fur et à mesure que le temps passe. Elle reste là, aimante, néanmoins, et je fais mon possible pour l’éduquer de la façon la plus douce possible. Elle n’a jamais subi, Dieu merci, les affres de ma colère. Hier, j’étais fatiguée, je ne l’ai pas sortie autant que j’aurais dû la sortir. Mon appartement pourrait vite devenir ses toilettes si je n’y prends pas garde.

Parfois, je la promène dans la rue, l’air un peu hagard, épuisée, en colère contre la terre entière. Contre « les gens ». Contre le fait que nous résistions pas à ce qui nous arrive et que nous nous laissions faire par la peur. J’ai ainsi hurlé contre une dame qui a eu le malheur de me reprocher que je ne portais pas de masque – je l’avais oublié, dans la précipitation pour faire sortir le chien avant qu’elle ne défèque sur mon parquet.

Oui, souvent en ce moment, je pratique bien tout le contraire de ce à quoi j’appelle et exhorte le monde : l’amour. Je me comporte exactement de la façon contraire que j’aimerais, que je devrais, je laisse la colère, l’un des péchés les plus graves, me dominer et me détruire autant que détruire ceux qui m’entourent. Car même si ma colère peut s’expliquer par une accumulation d’épreuves ces dernières années, elle ne pourrait en aucun cas se voir justifier. Quelle galérienne je fais, mon Dieu, et je n’ignore pas que ce je fais la plupart du temps en ce moment contribue à détruire ce que j’essaie de défendre.

Priez pour moi, je vous en prie, si vous le pouvez, si vous en avez la force et le cœur. Et pardonnez-moi, si vous y parvenez, le mal que je peux vous faire. Je vous promets de travailler, toute ma vie, à essayer devenir un peu moins terrible que le jour précédent.

A propos du fait que nous péchons tous et que cela fait partie de notre condition humaine, j’ai composé il y a quelques mois la chanson suivante qu’il me paraît pertinent, dans un tel contexte, de reporter ici.

Les galériens, les galériennes 

"On est tous galérien ou galérienne…

Quand nous faisons vivre l'enfer, 
ceux d'entre nous qui tout détruisent, 
Méchants, idiots et péronnelles, 
quand un jour tout se finit
Les galériens, les galériennes… 

Lorsque nos dents raient le parquet
Quand nous pensons à notre gueule
Quand nous prions la réussite
Espionnons l'autre derrière nos vitres.
Les galériens, les galériennes...

R/ On rame et fait ramer les autres
Un bateau pourri, vermoulu
On prend la vie et la consomme
On jouit et on se consume
Les galériens, les galériennes...

Ceux à qui dans le monde tout sourit
Ceux qui ne méritent pourtant rien
Ceux qui prennent quatre chemins,
Ceux qui ricanent sans croire en rien.
Les galériens, les galériennes...

R/

Quand nous laissons le mal se faire
Quand nous nous mettons en colère 
Quand nous haïssons lâchement
Que nous laissons passer le temps.
Les galériens, les galériennes...

Parvenues, mendiants, clochards
Il est vrai que nous le sommes tous
Nos coeurs valent bien ceux que nous méprisons,
Chacun de nous, une conne, un con. 

R/

Nous sommes tous appelés à quitter la galère
Marcher sur l'eau, rejoindre enfin la terre.
Pour cela prions pour toujours pardonner
Nous pardonner pour toujours mieux nous aimer... 

Les galériens, les galériennes,
Un jour, plus d'galérien, ni d'galérienne... 

Qu’avons-nous fait aux hommes ?

Ils m’entourent dans le TGV pour Nantes ce matin. Ils sont terrorisés, portent des masques à vingt ans et me regardent d’un air suspicieux parce que le mien est laissé négligemment sur mon menton. Frêlement vêtus, ils se frottent les mains de gel hydroalcoolique toutes les deux minutes. Pendant le confinement, j’ai vu les hommes autour de moi (mari, voisins, frères, collègues…) s’effondrer de peur,  de tristesse, se méfier à outrance de leurs voisins ou de leurs proches, se renfermer sur eux-mêmes quitte à tout détruire, ou se laisser dévorer par la colère et la concupiscence.

Qu’avons-nous bien fait aux hommes, nous, humanité, pour les rendre si misérables ? Qu’avons-nous donc pu bien faire pour les fragiliser au point que la moindre difficulté ou adversité leur devienne si insurmontable ? Les hommes sont-ils conspués de façon générale au point d’être devenus la pire version d’eux-mêmes ? Où est notre responsabilité ?

(edit septembre 2020)

Désormais, je me déplace toujours à vélo dans Paris. Il est vrai que l’étendue des pistes des cyclables disponibles depuis le confinement rend la chose facile. En route, je me vois souvent confrontée à des attitudes déplacées, limite vulgaires, de certains hommes lorsque j’ai le malheur de leur signaler leur incivilité (brûler un feu rouge en se mettant en danger et les autres autour d’eux, par exemple). « T’es mignonne toi, », semblent-ils dire en me souriant et en me regardant avec un air désolé. Je vois les hommes mépriser les femmes aujourd’hui. Je les vois me mépriser lorsque de cette façon je sens qu’ils ne me voient que comme comme un objet de séduction. Dans ces moments à vélo, j’en viens à me dire, terrifiée : « Mon Dieu. Et si, finalement, les féministes les plus guerrières de notre temps avaient raison ? Si les hommes étaient tous des salopards hérités d’un modèle patriarcal paternaliste pandémique ? ».

Il existe je crois aujourd’hui une entreprise de construction et d’entretien de la détestation des hommes pour les femmes, et des femmes pour les hommes.

Les hommes sont entretenus et éduqués à voir les femmes comme de jolies et mignonnes poupées au mieux, comme des objets de jouissance et de domination sexuelle pure au pire – le problème étant qu’en fait, en général, ces visions sont mélangées l’une et l’autre dans l’esprit des hommes.

Les femmes sont entretenues pour être soit des modèles de séduction et de réussite sur tous les plans, soit des guerrières qui valent bien l’égal des hommes ou qui devraient même prendre leur place dans la conquête pour la domination d’un sexe sur l’autre. On leur raconte depuis quelques années qu’il existe un complot patriarcal qu’il faut abattre à tout prix, même au prix de la tête de beaucoup d’hommes formidables.

Oui, il existe une entreprise de détestation et de division dont les causes me paraissent plus insidieuses qu’un prétendue « pandémie patriarcale ». Je crois fermement que ce qui contribue le plus à détériorer notre considération les uns pour les autres, ce sont d’abord le matérialisme, le consumérisme et l’individualisme, conduits eux-mêmes par le déni de toute spiritualité humaine et notamment de la foi catholique. Nous avons oublié que nous sommes tous issus d’un Dieu aimant qui a voulu nous voir nous aimer et notamment l’Homme aimer la Femme, la Femme aimer l’Homme. Les pires idéologies matérialistes, battant en brèche tout sens de la spiritualité, ont conduit à mettre la femme à la maison  et l’homme à la tête de l’usine lors des révolutions industrielles. Les idéologies consuméristes et individualistes de la prétendue libération des moeurs des années 70 ont ensuite laissé penser que le plaisir et la jouissance immédiate seuls pouvait être une fin en soi, une fin qui nous épanouisse soi-disant pleinement.

Lorsque le plaisir devient la fin en soi, il devient dictateur. Il devient dictateur et devient donc l’artisan d’une logique de domination entre les objets de plaisir.  La banalisation et la généralisation du porno, drame psychiatrique et psychique pourtant démontré, multipliant les scénarios de domination de l’homme sur la femme, laissant penser qu’il est normal qu’une femme se comporte dans la vraie vie sexuelle comme les actrices pornos, est un symptôme éclatant de l’échec de l’individualisme consumériste et de la détestation généralisée des hommes pour les femmes et des femmes pour les hommes.

Combattons, plus que jamais, cette violence matérialiste, et rappelons-nous qu’il existe un projet d’Amour magnifique entre nous. Celles de nous émerveiller les uns les autres. Les hommes de s’émerveiller devant le courage indestructible et l’intelligence des femmes, ces femmes qui portent la vie et qui savent, en leur corps, ce que cela veut dire que de la porter et de la défendre. Les femmes de s’émerveiller devant la force, la pudeur et la sensibilité des hommes lorsqu’ils la laissent se révéler. Les hommes d’apaiser l’inquiétude des femmes, les femmes d’aider les hommes à lutter contre leurs peurs et leur misère que souvent on leur apprend à cacher. Les hommes à tout faire pour faire plaisir aux femmes, et notamment de leur faire plaisir en écoutant ce dont elles ont besoin – notamment sur le plan sexuel. Les femmes, de laisser les hommes s’approcher d’elles et de se laisser aimer par eux, tout en leur apprenant qu’eux aussi ont le droit d’être aimés.

Oui, j’écris cette litanie d’affirmation sur les hommes et sur les femmes et j’assume sa grossièreté probable et ses généralisations hâtives. Je crois que beaucoup d’hommes et beaucoup de femmes, dont on ne laisse pas entendre la voix aujourd’hui, seraient heureux d’entendre ces grossièretés légères sur la beauté de l’amour possible entre l’homme et la femme.

Définir l’amour et les conditions de l’amour.

La Miséricorde « a jailli des entrailles de Dieu pour la consolation du monde entier. » (Journal de Sainte Faustine, PJ 1517).

Dimanche dernier fut une journée de joie et d’épreuves lors de laquelle, à plusieurs reprises, je me suis retrouvée à discuter avec un certains nombre de mes proches de ce qu’est l’amour. J’observe que l’amour est bien difficile à définir en tant que tel. Je trouve plus facile de chercher les conditions qui favorisent sa naissance, sa croissance et son épanouissement.

D’abord, écouter l’autre, se mettre à son école, en s’oubliant soi-même s’il le faut.

Ensuite, et parce que l’on nourrit le souci et l’intérêt de cet autre, lui dire toujours la vérité sur ce que nous pensons. Fuir la duplicité, l’ambivalence et la séduction, favoriser la simplicité et la droiture tout en restant tendre. Droiture n’est en effet pas dureté. Un psy m’a dit un jour qu’aucune relation humaine ne devrait être teintée de violence quelle qu’elle soit. Aucune façon dure voire brutale de s’exprimer n’est légitime, même portée par des convictions profondes et par la volonté de bien faire. Venant d’une famille « au sang chaud » (une famille merveilleuse, il faut ici le rappeler) où l’on se met régulièrement en colère et où l’on affirme ses convictions brutalement (à l’aune de l’intelligence des uns et des autres), il m’a fallu et me faudra encore des années pour comprendre à quel point cette affirmation est vraie et bonne.

Ma prof de philo de terminale, parmi quelques assertions à mon sens assez fausses, nous fit voir un jour clairement cette vérité fréquemment observable : la brutalité voire la colère de quelqu’un n’est en général que la marque de la peine, de l’inquiétude voire la peur qu’il a pour lui-même. Interrogeons-nous donc sur ce qui nous fait nous mettre en colère. Bien souvent, les causes sont notre peur, notre orgueil ou notre jalousie (qui est elle-même une déclinaison de la peur et de l’insécurité). Les conditions de l’amour entre nous sont elles-mêmes conditionnées par l’amour et la tendresse que nous entretenons pour nous-mêmes.

Interroger et présenter à Jésus ces sources de notre brutalité, colère, de nos dépits, de nos rancoeurs, de notre dureté… peut aider à leur faire face, non pour chercher à les annihiler brutalement, mais pour les exposer au feu de l’Amour originel, celui de Dieu incarné par la personne du Christ. C’est avec le Christ que je parviens à m’aimer moi-même, à consoler mes peines, à apaiser mes peurs, à aimer mes manques, à gagner en humilité et à retirer en moi, tout doucement, chaque jour un peu plus, la colère, pour finir par me tourner vers l’autre avec la paix du coeur et pouvoir me mettre à son école.

Le Christ nous apprend en outre l’indispensable condition du prolongement de l’amour : le pardon. Le pardon n’est possible, (le demander ou le recevoir), que lorsque la personne s’est pardonnée elle-même et a travaillé les sources de sa colère. La capacité infinie du Christ à nous pardonner peut orienter notre propre capacité à nous pardonner les uns les autres. Sans pardon, et sans possibilité infinie de son renouvellement, l’amour ne peut durer et, chose plus grave, les âmes se dessèchent et peuvent finir par se noyer de colère, de rancoeur et de chagrin.