Notre monde est triste parce qu’il ne pardonne pas.

Les événements et la douleur personnelle que je vis actuellement me font me confronter à l’incompréhension voire à la colère de ceux qui, dans mon entourage, ne comprennent ni n’acceptent que, chaque jour, je décide de pardonner le mal qui m’est fait. Ah, nous sommes bien dans un monde qui ne pardonne pas. Un monde de justiciers, de rancuniers, de petites ou d’immenses blessures, non lavées et non résolues par l’Amour et le pardon. Pas étonnant que nos familles s’effondrent voire s’étripent, que nos relations s’affaissent ou se sclérosent ! Le monde a oublié ce qu’est l’Amour, à savoir aussi la plus grande capacité de pardon possible, qui donne une joie nouvelle à chaque fois qu’on le met en pratique, une joie qui permet d’avancer, de rester profondément en paix, de continuer de vivre sans se rétrécir ni s’aigrir le coeur.

Quelle chance dans mon malheur j’ai de réussir chaque jour à pardonner autant qu’à demander pardon ! C’est ce qui fait que je tiens encore debout et que je m’affermis, tant sur le plan moral, physique, spirituel que psychologique. Pardonner, chaque jour, c’est ce qui me permet de continuer d’aimer, envers et contre tout. C’est ce qui me permet de regarder ceux qui me persécutent avec un regard plein de larmes, de joie et d’amour en même temps. Demander pardon à ceux à qui je fais du mal, autant que me pardonner à moi-même (grâce à Dieu) du mal que je fais, me permet aussi de continuer de vivre pour de bon. De vivre toujours mieux car avec un coeur toujours plus grand.

Bien sûr, il est parfois difficile de pardonner quand on a malheureusement vécu de trop grandes blessures. Cela peut prendre des années pour que le coeur et l’esprit se remettent, c’est humain, c’est normal. Pardonner peut demander quelque chose de surhumain. C’est dans ces cas-là que l’on peut penser que sans un Dieu aimant et surnaturel, impossible de pardonner avec nos seuls moyens humains ! Mais quelle joie quand on finit par y arriver ! Qu’est-ce qu’on se sent bien !

Alors pardonnons, pardonnons à nous-mêmes d’abord le mal que nous nous reprochons de commettre, pour pardonner à ceux qui nous entourent ! C’est ça qu’est bon !

Lettre ouverte pour ne jamais nous taire en voyant des vies se briser.

« Nous ne serons pas jugés sur les actes de nos ennemis mais surtout sur le silence de nos amis. » (Nelson Mandela).

« Qu’as-tu fait de ton frère ? » (Dieu à Caïn dans la Genèse).

Notre pudeur, notre gêne, notre volonté de ne pas nous interposer, notre silence assourdissant, notre volonté de ne pas juger, ou que sais-je encore… Sachons que tout cela est bien le contraire de l’amour et n’est qu’indifférence destructrice. Cela est manifeste désormais : ni celui que nous voyons commettre le mal, ni celui qui le subit, ne sont réellement entourés par nous. Je suis désolée pour nous autant que pour celui qui de nos frères commet le mal ou le subit. Mon Dieu, que nous devons peu aimer pour choisir de ne rien dire, de ne rien faire, de rien soutenir, de n’exhorter à rien lorsque nous voyons des familles se défaire, des couples s’effondrer, des infidélités se produire, le mal arriver en somme.

Chaque jour, j’essaie de l’éviter et d’aimer. En tout cas, je fais tout ce que je peux pour aimer. C’est aussi parce que j’aime et veux aimer toujours l’humanité que je me permets aujourd’hui d’écrire ce qui ne va pas, ce qui ne va pas du tout. Je prie pour que nous nous rendions compte du mal que nous faisons en nous taisant, en choisissant l’écoute passive et l’inaction. C’est de notre salut à tous qu’il est question aussi ici. Je prierai toujours pour que notre cœur s’ouvre pour de bon et que la lumière se fasse en nous. La situation est très grave mais elle peut toujours se résoudre, c’est-à-dire que, jusqu’au bout, chacun de nous peut se rendre compte que ce qu’il pensait être de l’amour était tout sauf de l’amour, seulement de la passivité voire de la lâcheté et de l’indifférence.

Que nous faudra-t-il voir comme drame et comme horreur avant que nous ne nous décidions à agir, à dénoncer ce qui est mal, à encourager ce qui est juste et bon ? Des situations dramatiques chez nos proches nous font-elles rire avec un peu de gêne ? Nous font-elles dire : « C’est la vie, c’est comme ça, ne t’inquiète pas va, ça va aller. » Est-ce bien ça, l’humanité ? Est-bien ça la vraie liberté et le véritable amour ? Réfléchissons bien, tous ! Il est vrai que c’est malheureusement ainsi que va le monde aujourd’hui. On ne dit rien, on se refuse à dire ce qu’on pense, on « ne veut pas juger », on se refuse à penser en somme. Pourtant, cette attitude est bien le contraire de l’amour. Car on laisse alors le mal se faire et des vies se briser.

A ceux qui pourraient me demander de ne pas juger les actes en écrivant cela, qu’ils entendent bien que jamais je ne cesserai, bien au contraire. J’espère, toute ma vie, avoir le courage de dire à tous ceux que j’aime, en les écoutant et avec le plus de douceur, de compassion et de délicatesse possible, si j’estime que ce qu’ils font est injuste (c’est-à-dire que cela leur fait du mal ou que cela fait du mal aux autres). Cela n’est en rien de l’ingérence malveillante. Ce n’est pas limiter la liberté de l’autre que lui dire ce que l’on croit être bon et l’aider à faire face à la gravité de certains de ses actes. C’est bien au contraire l’aider à rester libre en y voyant clair quand lui-même se perd au gré des contingences de la vie. Si cela doit me coûter mes relations, mes amis ou même ma vie… J’espère avoir le courage de l’accepter. Et ne jamais cesser de prier et d’aimer.

Que Dieu me garde et nous garde toujours en revanche de jamais juger les personnes. Chacun de nous, quels que soient ses actes, quelque criminel ou complice du mal soit-il, est aimé, mérite d’être aimé inconditionnellement et peut être sauvé, s’il le souhaite, jusqu’au bout, jusqu’à la mort, sauvé par l’Amour.

Définir l’amour et les conditions de l’amour.

La Miséricorde « a jailli des entrailles de Dieu pour la consolation du monde entier. » (Journal de Sainte Faustine, PJ 1517).

Dimanche dernier fut une journée de joie et d’épreuves lors de laquelle, à plusieurs reprises, je me suis retrouvée à discuter avec un certains nombre de mes proches de ce qu’est l’amour. J’observe que l’amour est bien difficile à définir en tant que tel. Je trouve plus facile de chercher les conditions qui favorisent sa naissance, sa croissance et son épanouissement.

D’abord, écouter l’autre, se mettre à son école, en s’oubliant soi-même s’il le faut.

Ensuite, et parce que l’on nourrit le souci et l’intérêt de cet autre, lui dire toujours la vérité sur ce que nous pensons. Fuir la duplicité, l’ambivalence et la séduction, favoriser la simplicité et la droiture tout en restant tendre. Droiture n’est en effet pas dureté. Un psy m’a dit un jour qu’aucune relation humaine ne devrait être teintée de violence quelle qu’elle soit. Aucune façon dure voire brutale de s’exprimer n’est légitime, même portée par des convictions profondes et par la volonté de bien faire. Venant d’une famille « au sang chaud » (une famille merveilleuse, il faut ici le rappeler) où l’on se met régulièrement en colère et où l’on affirme ses convictions brutalement (à l’aune de l’intelligence des uns et des autres), il m’a fallu et me faudra encore des années pour comprendre à quel point cette affirmation est vraie et bonne.

Ma prof de philo de terminale, parmi quelques assertions à mon sens assez fausses, nous fit voir un jour clairement cette vérité fréquemment observable : la brutalité voire la colère de quelqu’un n’est en général que la marque de la peine, de l’inquiétude voire la peur qu’il a pour lui-même. Interrogeons-nous donc sur ce qui nous fait nous mettre en colère. Bien souvent, les causes sont notre peur, notre orgueil ou notre jalousie (qui est elle-même une déclinaison de la peur et de l’insécurité). Les conditions de l’amour entre nous sont elles-mêmes conditionnées par l’amour et la tendresse que nous entretenons pour nous-mêmes.

Interroger et présenter à Jésus ces sources de notre brutalité, colère, de nos dépits, de nos rancoeurs, de notre dureté… peut aider à leur faire face, non pour chercher à les annihiler brutalement, mais pour les exposer au feu de l’Amour originel, celui de Dieu incarné par la personne du Christ. C’est avec le Christ que je parviens à m’aimer moi-même, à consoler mes peines, à apaiser mes peurs, à aimer mes manques, à gagner en humilité et à retirer en moi, tout doucement, chaque jour un peu plus, la colère, pour finir par me tourner vers l’autre avec la paix du coeur et pouvoir me mettre à son école.

Le Christ nous apprend en outre l’indispensable condition du prolongement de l’amour : le pardon. Le pardon n’est possible, (le demander ou le recevoir), que lorsque la personne s’est pardonnée elle-même et a travaillé les sources de sa colère. La capacité infinie du Christ à nous pardonner peut orienter notre propre capacité à nous pardonner les uns les autres. Sans pardon, et sans possibilité infinie de son renouvellement, l’amour ne peut durer et, chose plus grave, les âmes se dessèchent et peuvent finir par se noyer de colère, de rancoeur et de chagrin.