Qu’avons-nous fait aux hommes ?

Ils m’entourent dans le TGV pour Nantes ce matin. Ils sont terrorisés, portent des masques à vingt ans et me regardent d’un air suspicieux parce que le mien est laissé négligemment sur mon menton. Frêlement vêtus, ils se frottent les mains de gel hydroalcoolique toutes les deux minutes. Pendant le confinement, j’ai vu les hommes autour de moi (mari, voisins, frères, collègues…) s’effondrer de peur,  de tristesse, se méfier à outrance de leurs voisins ou de leurs proches, se renfermer sur eux-mêmes quitte à tout détruire, ou se laisser dévorer par la colère et la concupiscence.

Qu’avons-nous bien fait aux hommes, nous, humanité, pour les rendre si misérables ? Qu’avons-nous donc pu bien faire pour les fragiliser au point que la moindre difficulté ou adversité leur devienne si insurmontable ? Les hommes sont-ils conspués de façon générale au point d’être devenus la pire version d’eux-mêmes ? Où est notre responsabilité ?

(edit septembre 2020)

Désormais, je me déplace toujours à vélo dans Paris. Il est vrai que l’étendue des pistes des cyclables disponibles depuis le confinement rend la chose facile. En route, je me vois souvent confrontée à des attitudes déplacées, limite vulgaires, de certains hommes lorsque j’ai le malheur de leur signaler leur incivilité (brûler un feu rouge en se mettant en danger et les autres autour d’eux, par exemple). « T’es mignonne toi, », semblent-ils dire en me souriant et en me regardant avec un air désolé. Je vois les hommes mépriser les femmes aujourd’hui. Je les vois me mépriser lorsque de cette façon je sens qu’ils ne me voient que comme comme un objet de séduction. Dans ces moments à vélo, j’en viens à me dire, terrifiée : « Mon Dieu. Et si, finalement, les féministes les plus guerrières de notre temps avaient raison ? Si les hommes étaient tous des salopards hérités d’un modèle patriarcal paternaliste pandémique ? ».

Il existe je crois aujourd’hui une entreprise de construction et d’entretien de la détestation des hommes pour les femmes, et des femmes pour les hommes.

Les hommes sont entretenus et éduqués à voir les femmes comme de jolies et mignonnes poupées au mieux, comme des objets de jouissance et de domination sexuelle pure au pire – le problème étant qu’en fait, en général, ces visions sont mélangées l’une et l’autre dans l’esprit des hommes.

Les femmes sont entretenues pour être soit des modèles de séduction et de réussite sur tous les plans, soit des guerrières qui valent bien l’égal des hommes ou qui devraient même prendre leur place dans la conquête pour la domination d’un sexe sur l’autre. On leur raconte depuis quelques années qu’il existe un complot patriarcal qu’il faut abattre à tout prix, même au prix de la tête de beaucoup d’hommes formidables.

Oui, il existe une entreprise de détestation et de division dont les causes me paraissent plus insidieuses qu’un prétendue « pandémie patriarcale ». Je crois fermement que ce qui contribue le plus à détériorer notre considération les uns pour les autres, ce sont d’abord le matérialisme, le consumérisme et l’individualisme, conduits eux-mêmes par le déni de toute spiritualité humaine et notamment de la foi catholique. Nous avons oublié que nous sommes tous issus d’un Dieu aimant qui a voulu nous voir nous aimer et notamment l’Homme aimer la Femme, la Femme aimer l’Homme. Les pires idéologies matérialistes, battant en brèche tout sens de la spiritualité, ont conduit à mettre la femme à la maison  et l’homme à la tête de l’usine lors des révolutions industrielles. Les idéologies consuméristes et individualistes de la prétendue libération des moeurs des années 70 ont ensuite laissé penser que le plaisir et la jouissance immédiate seuls pouvait être une fin en soi, une fin qui nous épanouisse soi-disant pleinement.

Lorsque le plaisir devient la fin en soi, il devient dictateur. Il devient dictateur et devient donc l’artisan d’une logique de domination entre les objets de plaisir.  La banalisation et la généralisation du porno, drame psychiatrique et psychique pourtant démontré, multipliant les scénarios de domination de l’homme sur la femme, laissant penser qu’il est normal qu’une femme se comporte dans la vraie vie sexuelle comme les actrices pornos, est un symptôme éclatant de l’échec de l’individualisme consumériste et de la détestation généralisée des hommes pour les femmes et des femmes pour les hommes.

Combattons, plus que jamais, cette violence matérialiste, et rappelons-nous qu’il existe un projet d’Amour magnifique entre nous. Celles de nous émerveiller les uns les autres. Les hommes de s’émerveiller devant le courage indestructible et l’intelligence des femmes, ces femmes qui portent la vie et qui savent, en leur corps, ce que cela veut dire que de la porter et de la défendre. Les femmes de s’émerveiller devant la force, la pudeur et la sensibilité des hommes lorsqu’ils la laissent se révéler. Les hommes d’apaiser l’inquiétude des femmes, les femmes d’aider les hommes à lutter contre leurs peurs et leur misère que souvent on leur apprend à cacher. Les hommes à tout faire pour faire plaisir aux femmes, et notamment de leur faire plaisir en écoutant ce dont elles ont besoin – notamment sur le plan sexuel. Les femmes, de laisser les hommes s’approcher d’elles et de se laisser aimer par eux, tout en leur apprenant qu’eux aussi ont le droit d’être aimés.

Oui, j’écris cette litanie d’affirmation sur les hommes et sur les femmes et j’assume sa grossièreté probable et ses généralisations hâtives. Je crois que beaucoup d’hommes et beaucoup de femmes, dont on ne laisse pas entendre la voix aujourd’hui, seraient heureux d’entendre ces grossièretés légères sur la beauté de l’amour possible entre l’homme et la femme.