Lettre de Blois, aux rendez-vous de l’Histoire.

Blois, le vendredi 8 octobre 2021

Cher ami,

Me voici donc aux rendez-vous de l’Histoire à Blois, ce mois d’octobre 2021. Je découvre avec grand intérêt et même avec joie tout un milieu : celui des universitaires, celui des enseignants, celui des amateurs d’histoire, de sociologie et de culture générale de salon aussi. Ce milieu, c’est autant celui des « grands-mères aux cheveux violets », comme Natacha, co-préparationnaire de l’agrégation d’histoire rencontrée hier soir, les appelle, que celui des sociologues déconstructeurs, des syndicalistes forcenés, des professionnels de la science historique et des humbles professeurs, pour certains (les plus jeunes, en général) animés d’une joie très enthousiasmante, pour d’autres (les anciens) épuisés et aigris comme beaucoup d’ex-soixante-huitards le sont de nos jours. 

Voici comment les choses se passent. Plusieurs endroits, le château, la chocolaterie, la chambre de commerce, l’université, l’hôtel de ville mais aussi la cathédrale, se voient dédiés pendant quatre jours et demi à l’animation de sessions de travail, conférences, tables rondes et ateliers en tout genre, animés par des interlocuteurs très divers plus ou moins connus sur la scène médiatique, politique, historique ou sociologique. Tout ceci s’organise selon un thème général nouveau chaque année. Cette année, c’est au Travail que les rendez-vous sont consacrés, c’est d’ailleurs pour cela que nous sommes là, préparationnaires de l’agrégation, car le Travail est le sujet de notre programme d’histoire contemporaine pour le concours à venir.  Certains ateliers ont dû faire l’objet d’une réservation en ligne au préalable, certains ne nécessitent aucune réservation, certains demandent que l’on vienne retirer un ticket le jour même où ils se tiennent. Dans ce cas, on vient faire la queue en différents points de la ville. J’allais oublier de préciser qu’évidemment, tous les sites où se tiennent les rendez-vous demandent de passer un premier contrôle de sécurité lors duquel on nous fait ouvrir notre sac et l’on scanne notre pass sanitaire sous forme de ce fameux QR code. Une fois notre pass validé, on nous met autour du poignet un affreux bracelet de papier, nous voici ainsi marqués non plus du sceau de l’Esprit mais du sceau sanitaire.

Une fois les contrôles passés et une fois ses billets pris, on va et on vient d’une conférence à l’autre, le rythme est agréable, on a la possibilité d’aller travailler à la bibliothèque de l’université entre chaque rendez-vous, c’est bien commode et le centre-ville de Blois est si beau qu’on aime de toute façon s’y promener. Les gens ici sont heureux, agréables, ouverts, on rencontre beaucoup de monde et on voit bien que chacun aime ici l’Histoire et la Connaissance. Je me sens moi-même fort bien et apaisée d’être ici, c’est un temps de recul et de repos, un peu comme une sorte de retraite hors de Paris pour m’aider à mieux préparer les concours. Lors de chaque conférence, le silence de chacun, le respect des intervenants, tout est très professionnel, presque religieux ; puis les questions viennent, puis l’on applaudit à la fin et enfin on se lève, on quitte la salle pour aller travailler à la bibliothèque en silence ou entendre un autre enseignement. Quand on quitte la salle, je ne peux m’empêcher de penser au moment où chaque dimanche, je sors de l’église après la messe, quand la masse de fidèles se dirige lentement vers la sortie. 

Ici, je me sens en effet animée d’une joie et même d’une passion similaire à celle que je vis en général quand je prie, quand je communie ou quand je pense à Dieu tout simplement. Je me vois, comme quand je vais à Saint Nicolas-des-Champs ou à Paray-le-Monial, heureuse de rencontrer les gens, heureuse d’échanger avec eux nos histoires et nos ressentis. Oui, tant de choses se ressemblent. L’enthousiasme et la gentillesse des gens ici est telle, leur volonté de partage, leur volonté de respecter les autres, c’est émouvant, il faut le dire. Crois bien pourtant que je veille à ne pas confondre les choses. Blois n’est pas du tout l’Eglise. Blois déifie la Connaissance, l’Eglise adore et vénère Dieu. Quand les gens s’entassent à l’Hôtel de ville pour une conférence sur les crimes au travail depuis un siècle, la cathédrale, où se déroule une conférence sur le catholicisme social dans la deuxième moitié du XIXe siècle reste presque vide (je n’ai pas assisté moi-même à cette conférence, je dois avouer que je ne suis pas moi-même férue de cette partie de l’histoire de l’Eglise où il semble que Celle-ci ait plutôt travaillé avec les grands industriels de l’époque pour atténuer le mal causé aux populations travailleuses, en soignant les symptômes sans soigner la cause originelle du mal : l’adoration pour l’Argent, la Technique et le Progrès démarrée dès la Révolution française). 

En vivant ces rendez-vous de l’Histoire, je ne peux m’empêcher de penser Maître de la Terre, roman catholique visionnaire écrit au tout début du XXe siècle, décrivant une humanité prétendument unie par la Paix, l’Amour, la Connaissance, faisant de l’Homme son dieu, défaite totalement de l’idée de Dieu.

Prie pour moi je t’en prie, pour que je puisse rester une petite flamme au milieu de tous ces gens, toute cette humanité qui déconstruit jusqu’à son essence même, que par mon propre amour pour l’Histoire, je puisse leur témoigner de mon amour, en tout supérieur, pour Dieu.

Bien à toi, en union de prière,

Amélie.   

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